Projet scientifique

Par-delà les modèles
Thèmes 2013-2022

En anthropologie, la notion de modèle fait référence à son usage dans les sciences, c’est-à-dire à la possibilité d’une mise en relation d’un donné empirique à ce qui en peut être abstrait. Dans le cas des productions spatiales, la matérialité et la visibilité des objets d’étude conduisent cette modélisation. Cependant comme pour tout objet de l’anthropologie, la réalité se dérobe (Izard, 1991) et réduit ces modèles à leurs seules dimensions géométriques et fonctionnelles, en néglige d’autres (historiques, politiques, sociales, économiques …) qui empêcherait d’y voir le processus.

Les modèles architecturaux et urbains, avec lesquels nous ferraillons pour mieux les identifier et les exprimer, sont (ou ont été) révélateurs du changement de rapport entre la ville et le territoire ; ils sont à la fois les productions et les agents d’un macro modèle, aujourd’hui hégémonique à l’échelle planétaire, celui de la société technicienne (Ellul, 1954), née en Occident avec l’avènement de la Modernité. Ce modèle insidieux et systémique, dont on peut de moins en moins se départir, artificialise le monde et contraint les existences sous toutes les latitudes. Identifier l’effet de sa propre activité dans son mouvement (Billeter, 2006) est ainsi la seule façon d’y échapper et de produire des alternatives.

C’est pourquoi ce chantier se propose de se focaliser sur les villes contemporaines où les données collectées peuvent vite devenir obsolètes. L’hic et nunc urbain y est étudié sur un espace souvent très hétérogène, apparemment déterminé par le modèle qui l’a généré, et qui fait encore sens, et par d’autres, qui le contestent au jour le jour en organisant l’autonomie et en (ré)agençant ce qui a été planifié. Nous souhaitons donc questionner la notion de modèle d’une part, dans le moment de sa formulation et de sa formalisation, dans le but d’en rendre explicite le principe-source ainsi que les processus d’imposition et de transformation et, d’autre part, du quotidien, là où les modèles se morcellent en traces et fragments, à la fois reliques de changements passés et indices des inventions en cours (Boucheron, 2006). Ce projet se situe dans le prolongement de travaux menés depuis une quinzaine d’années dans des contextes non-occidentaux sur les manières de faire (la) ville qui se combinent, se superposent ou se juxtaposent, en fonctionnant au sein d’un même espace urbain, « comme effet d’annonce d’autant de villes possibles » (Coralli & Palumbo, 2011) qui peuvent coexister sur un même territoire.

Coordination : Olivier Boucheron, Monica Coralli