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Recherches

Des images de la ville aux imaginaires urbains
Représenter le paysage en transformation d’Intendente, Lisbonne

2023-03-30T15:07:23Z

Ecole Doctorale : ED 395 MCSPP - Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Financement : Bourse de Doctorat, FCT Fundação pela Ciência e a Tecnologia, Lisbonne.
Directeur : Alessia de Biase
Discipline : Anthropologie urbaine
Date : 2010 - 2016

Intendente est une zone, un lieu-dit, pourrait-on penser, tellement la place qu’elle tient dans les représentations des habitants de la ville est importante proportionnellement à la faible étendue de qu’elle occupe dans la ville de Lisbonne. A la regarder de près, Intendente n’est ni un quartier ni une place, mais un espace intermédiaire en forme de triangle et dont part, vers toutes directions, une série de rues étroites. Alors que depuis des années l’image de cette zone est profondément négative, associée directement à la toxicodépendance et à la prostitution, la zone d’Intendente est à l’heure actuelle de plus convoitée, depuis l’impulsion donnée par le grand projet urbain qui l’intègre, avec un ensemble d’autres zones avoisinantes, dans un quartier nommé Mouraria.

À partir de ce contexte mutant aux nombreux enjeux, cette recherche de doctorat interroge en premier lieu le rôle des images dans ce processus de transformation urbaine. En quoi les images sont-elles des vecteurs privilégiés pour annoncer, représenter, réagir à la ville en mouvement ? Comment décrypter leur production, leur circulation et leur réception ? Dans quelle mesure permettent-elles de mettre au jour les relations entre les entités qui travaillent à transformer l’urbain, leurs lien et leurs intérêts ? Changer l’image d’un quartier, qu’est-ce que cela implique-t-il ?

Cette recherche se situe donc à la croisée de deux champs anthropologiques : l’urbain et le visuel. Travailler sur les images à partir de la pratique de l’espace urbain implique une démarche et des méthodes de travail spécifques. En choisissant d’appréhender l’espace urbain à travers la catégorie de visibilité, l’intention première de cette recherche est de constituer une typologie heuristique des images en circulation dans cette « ville dans la ville », cherchant à ouvrir au maximum notre conception commune de l’image. L’approche des différentes entités qui fabriquent la ville constituera la base d’une ethnologie multi-située dont la problématique sera résolument tournée vers les processus de (dé)construction visuelle.
Dans un premier temps, il s’agira de décrypter la distribution verticale des images, dans un mouvement qui va des institutions vers les habitants. Il s’agit de prendre en compte les émetteurs d’images que deviennent les politiques publiques lorsqu’il s’agit de communiquer sur la ville. La ville en mouvement anticipe et projette visuellement les caractéristiques de ses futures apparences : panneaux « collés » sur la ville, affches, édition mensuelle du journal local, site internet de la mairie - mise en ligne des projets dans leur intégralité, maquettes, images de synthèse, plans, expositions ... Une deuxième strate d’acteurs réseaux constitue dorénavant un important facteur dans la transformation d’Intendente : les associations, les collectifs, les cabinets, les coopératives, dans leur mouvement d’apparition et de disparition, sont eux aussi placés, dans leur discours imagé sur la ville passée et la ville future, au centre de cette étude. Postures, flyers, festivals, mots-clés, dépliants, évènements, installations, parcours, visites … une panoplie d’outils sont là encore les objets révélateurs de cette recherche, entre les images bidimensionnelles, celles que l’on peut a priori toucher et les images tridimensionnelles, qui relèvent de la constitution physique des éléments de l’urbain, durablement éphémères ou momentanément ancrés.

Au-delà des images déjà produites, il nous paraît important de travailler, en tant qu’acteur-cherchant dans ce milieu en ébullition, à l’émission de nouvelles images. Cette démarche répond aussi à un manque constaté dès les préliminaires de la recherche : comment les travaux affectent-ils les habitants, ceux qui, de leur fenêtre, voient tous les jours les micro-évolutions des travaux ? Quelles sont leurs représentations du vécu d’Intendente, eux qui sont supposés connaître cette zone mieux que quiconque ?

Afin de mettre au jour une certaine vision autochtone de cet espace, nous allons organiser un atelier de photographies avec un groupe d’habitants et utiliser les images produites pour deux motifs : fil conducteur des entretiens et installation artistique dans la zone d’Intendente même. Par ailleurs, tout au long de cette recherche, je m’attacherai à filmer minutieusement les altérations produites par le chantier de la place d’Intendente, dans ce que ces transformations ont de charnel et de compulsif, afin de suivre pas à pas le montage du nouveau paysage.