Projet scientifique

Historique
Projet scientifique du LAA

2023-06-09T09:25:37Z

La naissance

Dès sa naissance (1981) notre équipe a été conçue comme un espace de recherche interdisciplinaire : la pensée architecturale étant considérée comme l’une des disciplines majeures, avec l’anthropologie, pour fonder une réflexion sur l’espace humain. Nos thématiques ont porté principalement sur l’architecture coloniale, les métissages en architecture, l’exportation du modèle de la ville européenne, puis sur le rapport corps/espace, l’architecture vernaculaire contemporaine, en somme, les rapports entre identités et territoires dans le monde contemporain.

Le défi de la complexité

Devant la crise des disciplines inhérent au post-modernisme, l’interdisciplinarité nous apparaît comme le seul moyen épistémologique et méthodologique permettant de comprendre la complexité de la société contemporaine en relation avec la production de certains de ses objets, tels que l’architecture, la ville ou le paysage. [1]. Dans cette perspective, le LAA a pu contribuer à l’exploration d’un nouveau champ, l’anthropologie de l’espace, qui devait permettre d’échapper aux divers réductionnismes disciplinaires.
Une approche interdisciplinaire y a toujours été privilégiée, tant dans la composition de l’équipe (sociologues, anthropologues historiens mais aussi architectes, urbanistes et plasticiens) que dans le choix des partenaires de nos collaborations scientifiques

Métissages

Un premier colloque a été organisé en 1987 par le LAA au Musée de l’homme ; il réunissait, autour de questions transversales portant sur les lecture, les représentation et les découpages de l’espace, des architectes, des anthropologues et des ethnologues, mais aussi des spécialistes de l’histoire antique et des préhistoriens. Le réseau européen « Architecture/Anthropologie », créé à l’issue de ce colloque, nous a depuis permis de poursuivre l’élaboration de problématiques transdisciplinaires.
Le LAA a ainsi été parmi les premiers à aborder en France l’étude de l’architecture coloniale et des métissages architecturaux. Sur le plan théorique, ces travaux ont permis de déplacer et reformuler quelques grandes questions : la formation et le développement de la pensée architecturale occidentale, dans la seconde moitié du XIXe siècle, se révèlent ainsi en relation étroite avec des modèles différents découverts et/ou réinventés, dans les « laboratoires » qu’ont pu être les Expositions Universelles et les colonies. [2]

Le corps dans l’espace

Le programme de recherche intitulé « Habiter une ville accessible : des usages à la conception » a ouvert en 1998 un nouveau champ de recherche au sein du LAA : la relation entre le corps et l’espace. Il s’agissait de soumettre à de nouvelles investigations le problème général du rapport entre conception et l’usage des espaces du logement et des espaces publics, à partir du critère de l’accessibilité. Cet objectif imposait, sur le thème de la « ville accueillante », une confrontation des langages de l’architecte et du sociologue. Les propositions pour un débat public sont le résultat des regards croisés sur la culture de l’accessibilité comprise comme une expérience sociale spécifique et comme un espace d’intégration [3]. Ainsi ont pu être développés un cadre théorique et une méthodologie propres qui ont permis d’enrichir les approches architecturales, parfois trop fonctionnalistes, par la démarche anthropologique explorant la notion de handicap. Cette notion a démontré, tant dans la pratique du Projet architecturale que dans celle de la recherche la fécondité d’une démarche qui prend en compte le corps dans sa matérialité en tant qu’elle est socialement définie.
Le thème reliant corps et architecture s’est également révélé pertinent pour articuler didactique architecturale et cognition spatiale. En nous intéressant au corps en mouvement d’une part et au concept de dispositif spatial d’autre part. Nous avons entamé un dialogue avec de nouveaux partenaires universitaires. Dans le projet de recherche intitulé Espace manipulé et espace agi : de l’architecte à l’usager [4]. L’hypothèse de travail était que la transmission des savoir-faire, dans les écoles d’architecture, viserait aussi à développer chez l’étudiant la capacité à anticiper la nature des relations entre des types de dispositifs spatiaux et les modes d’inscription corporelle qui peuvent s’y réaliser. La méthode devait soumettre les résultats d’une enquête de type ethnographique – interrogeant un corpus d’exercices pédagogiques mettant le corps en jeu – à une grille d’analyse élaborée en collaboration avec des spécialistes universitaires de la psychomotricité [5]

Vers un patrimoine vernaculaire contemporain

L’axe de recherche intitulé Ville entre patrimoine et modernité a pris le relais des thématiques qui avaient inauguré l’activité scientifique du LAA. Cet axe a examiné les modalités de fabrication de l’espace par les groupes, entre utilisation d’un héritage et invention requise par des nouvelles situations. [6] La notion de vernaculaire contemporain [7] a désigné ce nouveau mode de production de l’espace : la part de plus en plus grande prise dans la croissance et/ou la transformation des villes par des processus échappant aux institutions fait de ces aires informelles les principaux enjeux (qualitativement et quantitativement) de l’urbain dans le futur. Il est indispensable de décrire et de comprendre les modalités de sa production afin de définir un éventuel repositionnement des professionnels de l’espace. Ici encore, notre recherche s’est placée dans une perspective interdisciplinaire. Elle a convoqué les concepts élaborés dans le champ des sciences sociales et politiques, auxquels elle a ajouté une lecture et une analyse spécifiques de l’espace permises par les outils propres à l’architecture. Au-delà de celle-ci, le territoire urbain lui-même est considéré comme une construction collective résultant d’une histoire, d’activités économiques, de pratiques, de structures sociales et de systèmes de représentation.

Territoires et construction d’identités

En 2001, un nouveau chantier du LAA visait à analyser les relations entre identités et territoires dans le monde contemporain. Au moment où la fondation européenne se radicalise, les représentations mentales des territoires d’appartenance et de leurs échelles évoluent, et les identités se déclinent de manière toujours plus spécifique. Le territoire – dans ses configurations matérielles et culturelles – est concerné au premier titre par ces transformations sociales, comme support, comme marqueur voire comme résultat de ce processus. Au centre des enjeux et des démonstrations, les configurations spatiales occupent une position charnière entre discours et pratiques identitaires. Souvent, dans l’histoire, le paysage, l’urbanisme et l’architecture ont été utilisés pour traduire dans l’espace certaines idéologies politiques, religieuses et raciales. Toute construction identitaire - qu’elle soit nationale, religieuse, culturelle ou ethnique - a besoin de repères spatiaux auxquels se référer, qu’il s’agisse de villes mythiques, de paysages, de monuments, de styles architecturaux ou de techniques de construction. Le rapport intime entre identité et territoire nous a mené à poser une série de questions sur la construction territoriale et ses corrélations en termes d’identité, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Europe. La confrontation entre différentes approches, en termes de terrains et de méthodes, ont porté en 2003 à l’organisation du colloque Identités ou Territoires et en 2006 à la publication de l’ouvrage collectif Chez Nous. Territoires et Identités dans les mondes contemporains.

Anthropologie de la ville dans les mondes contemporains

L’analyse du rapport entre territoires, identités , et leur traduction urbaine et architecturale, d’une part, et la réflexion sur la construction d’une culture spatiale , d’autre part, qui a caractérisé le travail de notre équipe de 2001 à 2005, nous a amené à formuler une évolution de notre projet scientifique générale (2005-2009) , articulée et déclinée en trois axes thématiques, complémentaires.
Notre préoccupation scientifique, qui caractérise l’Axe 1, a comme volonté celle de situer, dans le débat sur la mondialisation, le rôle et le poids de la production architecturale et urbaine. Nous désirons l’aborder du point de vue anthropologique en analysant des phénomènes de persistance, à travers la posture du « temps long » et à travers l’interprétation de ce phénomène comme un fait récurrent, dans les productions architecturales et urbaines des dernières années. Nous soulignerons aussi les contradictions entre les discours (de la part de l’élite mondialiste) et les objets construits qui bâtissent notre territoire. Ce premier axe se veut la poursuite, avec dorénavant une approche totalement endotique et contemporaine , des précédentes recherches du Laboratoire Architecture/Anthropologie telles que « l’architecture européenne exportée » , « architecture et interfaces culturelles » (Christelle Robin) , le « vernaculaire contemporain » (Jean-Paul Loubes).
Une attention particulière a été accordée aux régimes temporels urbains à l’œuvre aujourd’hui et au travail du temps dans la représentation de la ville contemporaine. Cette approche devient un axe thématique l’Axe 2 : « Travail du temps dans la ville contemporaine et accélération du mondialisme ». Face à une accélération mondialiste, qui s’érige de plus en plus en « présentisme » , comment les villes réagissent – elles ?, qu’est-ce que l’on construit ? Quel rapport au temps est se voit représenté ?
Cette approche nous permet , tout en complétant la réflexion portée par l’axe 1, de complexifier le regard sur la production architecturale et urbaine contemporaine à travers l’épaisseur temporelle.
L’Axe 3, est né de la volonté de capitaliser nos expérimentations méthodologiques passées et futures. Comment approcher, analyser et décrire la ville aujourd’hui ? Notre hypothèse de travail est que la ville est, dans son essence, un objet interdisciplinaire, impossible à approcher avec un seul regard. A partir de là la méthode pour construire un dialogue et un travail interdisciplinaire devient elle même un objet scientifique.

[1Cf Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier, 1994

[2Voir le rapport de C. Robin, avec Cynthia Gorra-Gobin, Sylviane Leprun et Mercédès Volait, La Ville européenne exportée, fin XIXe, début XXe siècle, 2 tomes, Paris, Plan Urbain, 1992.

[3Voir Louis-Pierre Grosbois, Handicap et Construction, Paris, Le Moniteur, 1999.

[4Ce travail de Jacqueline Ancelot, C. Robin et Caroline Varlet était une réponse à l’Action concertée incitative « Développement de la cognitique spatiale » du MENRT, 1999.

[5Se sont joints à nous les membres de l’équipe « Analyse du mouvement » du laboratoire « Sport et culture », Université de Paris X – Nanterre, UFR STAPS.

[6La campagne de terrain en Chine organisée en septembre 1998 par l’Ecole d’Architecture de Bordeaux, en coopération avec l’Université d’Architecture et de Technologie de X’ian, avec la participation du LAA, s’est déroulée dans le cadre d’un programme de coopération internationale poursuivi depuis plusieurs années.

[7Voir Jean-Paul Loubes (dir), « Chine : Patrimoine architectural et urbain », numéro monographique des Cahiers du réseau architecture /anthropologie, 1997.