Présentation
L’habiter dans sa poétique première
Dichterisch wohnt der Mensch, "l’humain habite en poète" : ces mots de Hölderlin nous ont hantés depuis le commentaire qu’en a fait Heidegger dans un texte écrit peu après sa fameuse conférence de Darmstadt Bâtir, habiter, penser (5 août 1951). Ces deux textes introduisirent à une ontologie de l’habiter qui a subverti les dogmes du mouvement moderne en architecture. Ils disent en effet diamétralement l’inverse de ce que le mécanicisme moderne, instauré par la révolution scientifique du XVIIe siècle, a tendu à imposer sur une Terre ramenée à sa dimension physique, en deçà même du vivant : la dimension de la machine, qu’invoqua par exemple à la lettre un Le Corbusier. Ils affirment au contraire que l’espace humain, celui de notre existence, est déploiement au-delà des limites de l’objet moderne. Il est autre chose que l’étendue cartésienne ou que l’espace absolu de Newton, ce réceptacle neutre et universel où la modernité a plongé le monde et, ce faisant, a fait taire ce que l’antiquité avait nommé le poème du monde.
La poétique première de l’habiter humain, c’est ce poème du monde : cela en quoi l’œuvre humaine, déployant la Terre en Monde, devient écoumène, la demeure de notre être : oikoumenê gê, la Terre habitée.
Cette poétique est à l’œuvre dans toutes les dimensions de notre existence, de la vie de notre corps aux formes que nous créons sur la Terre. Elle est déploiement d’espace, et déploiement de temps. Aussi la question concerne-t-elle virtuellement tous les domaines de l’activité humaine ; elle est indéfinie. Dans ce colloque, il ne s’agira donc pas d’en décrire tous les aspects, mais d’en saisir au contraire la dynamique foncière, dans certains motifs privilégiés :
— le déploiement de notre corporéité, de la biologie à la chorégraphie ;
— le déploiement de nos temporalités, des saisons aux rythmes de la ville ;
— le déploiement de nos spatialités, de nos figures mentales aux formes architecturales ;
— le déploiement des choses en parole humaine, de la poésie au mythe de la machine ;
— les limites, condition du sens de tout cela, que nous assure la Terre.
Ce questionnement croise diverses échelles, de la localité d’un site aux grands équilibres de la biosphère, des cultures locales aux dynamiques de la mondialisation, de la possibilité d’un vernaculaire contemporain à celle d’une cosmicité retrouvée. Pluridisciplinaire, il réunit des champs que nul d’entre nous ne peut jamais tous intégrer dans sa formation ni dans sa pratique, et qui pourtant sont les champs où œuvre nécessairement notre existence : de l’ontologie à l’écologie, de la géographie à la poétique... Par dessus tout, ce questionnement insistera donc sur les thèmes génériques pouvant conduire à une vision plus cohérente et plus authentique du rôle de l’architecture dans le déploiement du Monde. Au-delà des impasses de notre genre de vie – cet habitat insoutenable qui est le nôtre -, il s’agit de la pérennité de l’être humain sur la Terre.
PROGRAMME
Vendredi 1er septembre
16h00-18h00
Arrivée à Cerisy
21h00
Présentation du colloque
Augustin Berque et Alessia de Biase
Samedi 2 septembre
09h00-10h15
Eloge des errants
Paola Berenstein-Jacques, urbaniste
10h30-12h00
Le temps d’habiter
Philippe Bonnin, architecte et anthropologue
14h00-15h15
Poïétique des ambiances urbaines
Jean François Augoyard, philosophe
15h30-16h45
Jouer avec le paysage
Renato Rinaldi, sound designer et musicien
17h00-18h30
Ecouter, regarder et s’exprimer : la voix des fleurs (Ikebana)
Yôko Sano, historienne de l’art
Dimanche 3 septembre
09h00-10h15
Demeurer, habiter, transiter. Une poétique de la cabane
Gilles Tiberghien, philosophe
10h30-12h00
L’habiter entre l’art et l’anthropologie
Jean-Yves Petiteau, sociologue et Emmanuelle Cherel, historienne de l’art
14h00-15h15
Habiter hors du contexte
Franco La Cecla, architecte et anthropologue
15h30-16h45
Coruscant (Starwars) : habiter l’imaginaire, imaginer l’habiter
Alain Musset, géographe
17h00-18h30
L’habiter et la quête d’identité à l’heure de la métropolisation : De Rabié (Beyrouth) à Raintree (Los Angeles)
Cynthia Ghorra-Gobin, géographe
Lundi 4 septembre
09h00-10h15
Energétique du lieu : consommation et représentation de l’énergie dans l’habiter en Europe
Hélène Subremon, architecte et anthropologue
10h30-12h00
L’interminable fin des sociétés industrielles
Michel Tibon-Cornillot, anthropologue
14h00-15h15
Que peut la pensée contre le géocide ?
Michel Deguy, poète
15h30-16h45
« Liberté » ou recherche et pratique de sa propre dimension poétique
Jean Verame, peintre
17h00-18h30
De Terre en Monde : la poétique de l’écoumène
Augustin Berque, géographe
Mardi 5 septembre
09h00-10h15
Habiter la mondialisation ?
Alessia de Biase, architecte et anthropologue
10h30-12h00
Habiter le désert : l’oasis, microcosme et macrocosme
Pietro Laureano, architecte
Mercredi 6 septembre
09h00-10h15
Habiter le pays par les noms
Francine Adam, géographe
10h30-12h00
De la nécessité des (certains) lieux
Piero Zanini, architecte
14h00-15h15
La chorégraphie : Bâtir l’éphémère pour y habiter
Susan Buirge, chorégraphe
15h30-16h45
De la géopoétique
Michel Collot, poéticien
17h00-18h30
Géopoétique et architecture située
Jean-Paul Loubes, architecte et anthropologue
Après 21h00
Film My Architect de Nathaniel Kahn
Jeudi 7 septembre
09h00-10h15
L’architecture comme media pour habiter le temps
Alain Guez, architecte et urbaniste
10h30-12h00
Climat et Identité
Martin de la Soudière, sociologue
14h00-15h15
Matérialités de l’habiter et qualité de présence au monde dans le cinéma contemporain
Jacques Van Waerbeke, géographe
Vendredi 8 septembre
10h00-12h00
Débat et conclusions
14h00
Départ de Cerisy
Cerisy la Salle
50210 Cerisy-la-Salle, France
Tél. +33 (0)2 33 46 91 66
Fax +33 (0)2 33 46 11 39
Centre Culturel de Cerisy La Salle