L’objet central de la thèse est la tour TDF des Lilas, haute de 141 mètres et construite en 1984 par Claude Vasconi en plein cœur de la première couronne de la banlieue parisienne. Juché sur un plateau à la frontière entre les Lilas, Romainville et Pantin, elle atteint l’altitude de la tour Montparnasse. Pourtant elle est presque inconnue de grand nombre de franciliens, comme le témoignent des plaques d’orientation où elle est soit absente, soit mal nommée. Ce paradoxe est le point de départ des réflexions de la thèse, dont l’objectif est de mettre en valeur les modes d’existence de la tour, c’est-à-dire les espaces où sa présence est remarquée. Ils sont au nombre de trois : monumental, fonctionnel et patrimonial. Si la tour n’est pas bien connue à grande échelle, elle est très présente dans les imaginaires des locaux. Sa silhouette est continuellement reproduite, détournée, récupérée aussi bien dans des œuvres artistiques, des parcours d’habitants que des communications institutionnelles. Bien qu’encore effectif, le réseau hertzien est dépassé, et si le modèle des tours de télévision monumentales comme celles de Berlin ou Toronto leurs permettent d’exister dans un autre registre que la fonction d’émetteur, l’avenir des tours de télévision est en question. Les Tower Companies ont changé leurs modes opératoires pour délaisser les géants de béton au profit de petites antennes juchés sur les toits et des petits pylônes métalliques. Si le patrimoine industriel se développe, les infrastructures ponctuelles restent à l’écart, et alors que leur fonctionnement est pris dans un réseau, les rares bénéficiant d’une protection le sont pour des critères individuels. C’est le cas de la tour TDF des Lilas, reconnue en tant que l’un des derniers projets de Claude Vasconi en Île-de-France. Au travers de l’exploration de ces trois modes d’existence, la thèse permet ainsi de caractériser l’aspect monumental de la tour, qui change selon l’observateur et sa distance vis à vis de l’objet : singularité quelconque dans le grand paysage, point de repère pour l’automobiliste, monument pour les habitants ; de déterminer la provenance historique des tours de télévision monumentales, qui résultent de la rencontre entre la figure militaire des tours de contrôle, touristique des tours d’observation et technique des antennes ; de s’interroger sur les conditions patrimoniales de ces tours, sanctuariser l’héritage de l’hertzien, revaloriser des infrastructures encore capables, transformer des édifices pour répondre aux besoins locaux ? Toutes ces questions sont généralisables à d’autres tours de télévision, mais ont besoin d’une compréhension plus fine de leur programme architectural. Ce ne sont pas de simples antennes, ce sont aussi des monuments, et aussi des dispositifs de surveillance, cela n’est pas anodin.