Aussi bien perçu comme socle de notre existence collective que comme médium de projection, le mot « paysage » a la particularité de renvoyer en même temps à une réalité physique construite et pratiquée et à une expérience sensible vécue. C’est dans ce rapport entre appropriations et représentations que le paysage s’expose comme milieu et objet pouvant illustrer nos manières d’habiter et nos relations au monde. S’il devient difficile de les distinguer l’une de l’autre, cette impossibilité de séparer le sujet de ce qui l’entoure, cette simultanéité de « présences », permet – au-delà de la seule visibilité – d’interroger les différentes dimensions spatio-temporelles et sensorielles où s’enchevêtrent mémoires, récits et désirs. Face aux urgences socio-environnementales, il s’agira également de questionner notre rapport au sol, aux éléments naturels et à leurs usages, dans leur impermanence et leur instabilité. Qu’il soit pratiqué ou projeté, les expériences dont le paysage est vecteur font émerger des interrelations que nous proposons d’interroger du point de vue anthropologique en prenant en compte les ambiguïtés et les dissonances qui le constituent, le traversent et le limitent. Entre, d’un côté, l’agir des désirs, des récits et des représentations qui régissent notre habiter et, de l’autre, les temps des transformations liées à ce même habiter, ce chantier se propose d’interroger la notion de paysage et le sens qu’elle prend du point de vue tant des théories paysagères que des pratiques (habitants, décideurs, concepteurs, etc.) et des dispositifs mis en œuvre pour l’institutionnaliser. Si, comme le suggère Tim Ingold, « nous ne sommes pas là pour occuper les territoires, nous les habitons, nous sommes dedans et nous conversons avec eux », que peut-on apprendre, par cette pensée relationnelle du paysage, des interactions qui en découlent ?
Coordination : Solène Leray, Piero Zanini